CIEL POILU  - Makiko Furuichi - 02.07.15 / 17.07.15

 

Makiko Furuichi est née à Kanazawa au Japon en 1987. Elle y a suivi un enseignement classique, puis a été diplômée de la section peinture à l'huile du Kanazawa College of Art en 2009.

"C'est là-bas que j'ai appris les techniques de peinture académique". Me dit-elle d’une petite voix presque chuchotée mais sur un ton paradoxalement inquisiteur.

Puis c’est le grand départ, pourquoi pas la France ? Comme bien souvent chez les artistes que nous présentons, le départ, l’envie d’ailleurs, la curiosité du monde, sont une douce rupture culturo-géographique à la base de l’élaboration d’une démarche artistique sincère (cf. exposition AUTOEXOTISME, novembre 2012).

Makiko poursuit alors un second cycle d’études (M1,M2) à l'Ecole des Beaux-Arts de Nantes, et obtient son DNSEP en 2011. Le choc culturel est terrible et lui impose une remise en question totale. Il lui faut déconstruire tout ce qui a était acquis au Japon. Il lui faut repenser l’académisme japonais, le faire passer au travers de dispositifs vidéos et autres installations, mais finalement c’est la peinture qui reste au cœur de son processus créatif. La peinture encore et toujours comme un pont transculturel qu’elle explique en ces termes :

"J'ai passé beaucoup de temps à dessiner des shojo-mangas (mangas pour filles, souvent des histoires d'amour stéréotypées) quand j'étais enfant. Le but était juste de dessiner une fille plus jolie que celle que j'ai dessinée hier. Je dessinais toujours les mêmes yeux, dans la même position, mais petit à petit j'ai fait évoluer ma technique. Je n'ai jamais osé dessiner de personnages de manga devant mes amis, j’ai toujours pensais que c'était honteux. C'était un grand plaisir caché que je n'ai jamais partagé avec personne au Japon.

Après l'école des Beaux-Arts de Nantes, j'ai commencé à faire des séries d’aquarelles, et je me suis tout de suite interrogée sur la différence intrinsèque entre ce que je fais maintenant en France et ce que je faisais quand j'étais petite.

Au final, je crois qu’il n’y en a pas vraiment, les différences sont justes contextuelles. J’étais et je suis toujours une peintre, je ne fais jamais d'esquisses, je peins directement sur les supports. Tout reste spontané. J'ai envie de me provoquer moi-même, j'essaie de tester mes possibilités, mes capacités, mes pouvoirs. Comme si je creusais mon cerveau pour recueillir des éléments d’un passé fictionnel et intime.

J'aime beaucoup le grotesque, le sentiment repoussant et attirant que certaines choses suscitent, pour moi c’est quelque chose de moche mais aussi de rigolo. Je peins une sorte de conte de rêve qui n'existe que dans ma tête, j'imagine une narration entre les dessins. Les paysages, les personnages, plantes etc, tous sont liés mêmes s'ils ne partagent pas le même plan. Pour le titre Ciel Poilu, je cherchais un mot absurde. C'est exactement comme ce que je fais, c’est paradoxal, ambigu. Le ciel en peinture a souvent une connotation romantique, c’est une chose esthétique, métaphysique, impalpable, cependant les poils ramènent à quelque chose de très trivial. Ils sont très personnels voire intimes, mais pourtant ils sont la première chose en contact direct avec le monde et les gens. »

Arnaud Coutellec, juillet 2015.

http://www.makikofuruichi.com