MALGRÉ L'ÉVIDENCE DES CORPS QUI VONT À LEUR RUINE - Grégory Cuquel - 07.04.17 / 21.04.17
La cosmogonie de Gregory Cuquel s’appréhende par le déplacement -« transhumance », et la perte - du « centre ». Cette dynamique de l’errance génère des formes instables. Assemblées de manière précaire, les pièces semblent être la convergence sensible de matériaux hétéroclites, réunies par l’artiste selon leurs lois physiques et leurs qualités associatives. Dans ce champs nomadique, Gregory Cuquel s’intéresse avant tout à la façon dont une sculpture fonctionne, soucieux de l’équilibre, de la gravité, du poids ou encore des rapports d’échelle. Ces préoccupations sont renseignées par l’intuition, l’expérience, le vécu / jeux de montage, d’agencement impulsif, de déconstruction tâtonnante et d’accueil maternel, où les formes se déplacent, mutent, s’hybrident, se démantèlent pour mieux se ré-agencer. Le paysage se fait écosystème de tuyaux emplis de bain moussant parfumé, de plâtre incrusté d’espadrilles, de dessins à la poudre de graphite et dissolvant, d’objets de récupération ou de tiges de métal cintrée en équilibre.
L’étrange physicalité de ce territoire dynamique est une concrétion d’échos, un leitmotiv cherchant formule ...
Dans leur livre Mille Plateaux, Deleuze et Guattari ont développé le concept de ritournelle, comme le moyen d’appréhender un territoire. C’est un rythme, une scansion, un mouvement qui oscille entre matière encore informe et fragments de matière en devenir. Dans un entretien avec Olivier Zahm, Felix Guattari explique que « la ritournelle esthétique passe obligatoirement par un seuil de non-sens, un seuil de rupture des coordonnées du monde. Pour pouvoir faire du récit, raconter le monde, sa vie, il faut partir d’un point qui est innommable, inracontable, qui est le point même de rupture de sens (...) c’est quelque chose qui se travaille. C’est cela l’art.»
Avec Grégory Cuquel, nous y sommes justement : dans cet espace où la définition du territoire n’est pas à chercher d’abord dans un geste de souveraineté classique, mais dans l’élaboration patiente et hasardeuse d’une exploration. Le rapport essentiel n’est plus entre matière et forme (encore moins le thème) mais celui de forces, de densités et d’intensités. Son obsession topologique destinée à habiter ce lieu face au chaos et l’informe est la beauté même de sa proposition artistique.
Une machine désirante et joueuse, Une séance de Balnéo plastique...
Olivier Passieux - Novembre 2015